
Méditer pendant huit heures modifie la régulation de certains gènes ! Telle est la découverte étonnante qu’ont faite les équipes de Raphaëlle Chaix de l’unité d’éco-anthropologie du CNRS à Paris, et Perla Kaliman, de l’Université ouverte de Catalogne (Espagne), en collaboration avec Antoine Lutz, chercheur au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, et Richard Davidson, de l’université du Wisconsin à Madison (États-Unis).
Un effet sur l’expression des gènes pro-inflammatoires déjà démontré
Pour les besoins de l’étude, publiée en novembre 2019 dans la revue Brain, Behavior and Immunity, 17 volontaires entraînés à méditer et 17 témoins ont passé une journée sous la surveillance des scientifiques. Le premier groupe a été invité à méditer pendant huit heures, tandis que le second a pratiqué des activités de loisirs (lire, marcher, jouer à des jeux vidéo…). Deux prélèvements sanguins, en début et en fin de journée, ont permis de déterminer les modifications qui interviennent dans la régulation des gènes (épigénome) de chacun. « Déjà en 2014, nous avions montré que huit heures de méditation entraînent une diminution de l’expression des gènes pro-inflammatoires chez des méditants experts », rappelle Perla Kaliman. Cette fois, les scientifiques ont voulu aller plus loin dans la compréhension du mécanisme moléculaire.
Mesurer son impact au cours du temps
Pour comprendre, rappelons que si les cellules de notre organisme possèdent toutes le même ADN, porteur des gènes, ces derniers s’expriment ou non selon des facteurs internes ou externes à la cellule. Ainsi, comme l’explique Raphaëlle Chaix, « des études précédentes avaient déjà montré que le stress psychologique influence l’épigénome humain ». « Il est notamment associé à une modification des marques chimiques disposées sur l’ADN, appelées ‘méthylation’, qui peut moduler leur expression. » La méditation, dont les effets antistress ont été démontrés, peut-elle à son tour agir sur ces méthylations ? Les chercheurs ont donc passé au crible plus de 414.000 sites de méthylation chez les 34 volontaires de l’étude, avant et après cette journée d’expérimentation. Surprise ! 61 sites de méthylation sont apparus modifiés à la fin de la journée dans le groupe des méditants, ce qui n’était pas le cas dans le groupe « loisirs ». « Ces gènes sont principalement impliqués dans le métabolisme et le vieillissement des cellules immunitaires », poursuit Raphaëlle Chaix. « L’étude est intéressante, commente Isabelle Mansuy directrice du laboratoire de neuroépigénétique de l’Université de Zurich (Suisse), non impliquée dans l’étude. Toutefois, ses limites sont le faible nombre de sujets et les conditions expérimentales et de contrôle qui demanderaient à être décrites plus en détail. De plus il resterait à déterminer quelles sont les conséquences effectives sur l’activité des gènes. «
61 modifications sur l’ADN sont apparues chez 17 volontaires (chaque colonne) après 8 heures de méditation.
De nombreuses questions encore sans réponse
Ce résultat est néanmoins une pierre de plus à l’édifice d’Antoine Lutz, qui étudie la méditation sous tous ses aspects en France depuis 2013. Situé au sein de l’hôpital du Vinatier à Bron (Rhône), son actuel laboratoire occupe un bâtiment blanc, lumineux, non loin d’une prairie où paissent des daims… Le chercheur, qui a travaillé pendant dix ans aux États-Unis aux côtés du pionnier du domaine l’Américain Richard Davidson, entend bien répondre à ces trois questions : que se passe-t-il dans le cerveau lorsqu’on médite ; quels sont les effets de ces pratiques au cours du temps sur le cerveau et le corps ; comment construire des modèles mathématiques qui permettent de rendre compte des mécanismes au niveau neuronal qui sous-tendent les pratiques contemplatives ?