Les disciplines méditatives sont pratiquées depuis des millénaires, en relation ou pas avec les religions. Adaptée au 20e siècle par des occidentaux, la méditation de pleine conscience a été structurée et laïcisée, ce qui permet à la science de l’étudier. Ce sont les programmes MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction : réduction du stress basée sur la pleine conscience ; voir : La méditation de pleine conscience, réduire le stress) et MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy : thérapie cognitive basée sur la pleine conscience). Cette dernière a été conçue dès le départ pour lutter contre les rechutes dépressives.
Testée scientifiquement
« Depuis 20 ou 30 ans, la méditation de pleine conscience fait l’objet d’études scientifiques à partir de différents domaines d’expertise », explique Émilie Dumond, auteure et scénariste*. « Cela ne veut pas dire que les autres formes de méditation seraient inefficaces mais elles n’ont pas été évaluées de la même manière, avec la même récurrence et le même socle scientifique. »
Prévention des rechutes
Christophe André, psychiatre**, l’a introduite en France à l’hôpital Sainte-Anne et a constaté son efficacité.
« Les médecins constatent que plus de 50 % des gens qui ont vécu un épisode dépressif récidivent », précise Émilie Dumond. « Il y a un terrain fragile. La méditation peut contribuer à abaisser ce risque car le méditant apprend à être conscient de ses ruminations, de ses pilotages automatiques, des processus qui sont à l’œuvre. Il peut alors anticiper, freiner voire bloquer ses pensées noires lorsqu’elles commencent à ressurgir. »
Alléger les traitements
Émilie Dumond cite en exemple le cas d’une femme interviewée dans le cadre du documentaire et du livre* qui était sujette à des crises d’angoisse l’obligeant à rester cloitrée chez elle. Pendant plus de 30 ans cette personne était traitée par des antidépresseurs et des anti-anxiolytiques.
« Depuis qu’elle pratique la méditation, elle n’a pratiquement plus de crises de panique car elle est devenue capable, quand elles arrivent, de les repérer et de les gérer. Elle ne prend plus d’antidépresseurs, elle ne prend que des anxiolytiques de manière occasionnelle. Elle a moins d’angoisses car elle sent qu’elle a les capacités intérieures pour apaiser les choses. »
Attention, la méditation n’a pas vocation à remplacer les médicaments ! Mais, si l’on peut réduire les doses et éviter les effets secondaires indésirables de la chimie, pourquoi hésiter ?
Le pouvoir du grain de raisin
Au démarrage, beaucoup de patients sont persuadés que la pratique n’est pas à leur portée. Jon Kabat-Zinn***, le fondateur de la MBSR, a donc conçu un exercice incontournable en début de programme qui leur permet de dépasser ce préjugé.
On distribue un grain de raisin à tous les participants et l’on invite chacun à se concentrer sur cet objet qu’il a dans la main.
« Pendant tout l’exercice, la pensée va se concentrer sur le grain de raisin et éviter ainsi les mille choses qui nous assaillent en permanence », explique Émilie Dumond. « L’attention se tourne vers ce petit objet. Cela permet de se mettre dans un état de concentration et de rassurer le méditant en lui montrant qu’il est en capacité de le faire. Le grain de raisin a des propriétés visuelles, tactiles, gustatives et, lorsqu’on l’avale, il fait un trajet dans l’organisme. Ce parcours entre la vue, l’odeur, le toucher puis l’ingestion du grain de raisin fait visiter toutes les sensations internes auxquelles la méditation de pleine conscience invite à être attentif. »
L’objectif est ici de contrôler la pensée automatique.
« C’est un défi pour tout le monde notamment pour celles et ceux qui sont par nature dans des ruminations, des inquiétudes, des pensées plutôt grises. »
Huit semaines
Les programmes MBSR, contre le stress, et MBCT, contre la rechute de la dépression, durent huit semaines. Ils incluent une séance de méditation dirigée d’environ deux heures, une fois par semaine, à l’hôpital ou dans l’institution. Ils comportent également des exercices à faire chaque jour à la maison.
« Les études montrent qu’un travail continu de méditation sur huit semaines d’environ vingt minutes par jour a déjà un impact sur certaines zones du cerveau », souligne Émilie Dumond.
Poursuivre tout seul ?
« À la fin de ce programme, parmi les personnes que j’ai interviewées, plusieurs m’ont dit qu’elles avaient vraiment senti le bénéfice sur le moment mais qu’après c’était extrêmement difficile de continuer seul ces vingt minutes de méditation quotidiennes. Certaines parviennent à le faire parce qu’elles ont ressenti un tel bénéfice que ça devient presque une nécessité. Comme un jogging qu’on fait chaque jour. D’autres ont plus de mal mais pratiquent plus ou moins régulièrement. Toutes disent que cela a transformé leur regard sur leur quotidien, leur façon d’appréhender le réel. »
Acteur de sa santé
Voilà donc une ressource que l’on a en soi, qu’on peut apprendre à mobiliser !
« La méditation de pleine conscience permet de limiter l’ingestion de chimie extérieure et rend responsable de son parcours de santé. De plus elle participe d’une logique de prévention qui manque beaucoup dans notre culture et qui, ne serait-ce que d’un point de vue économique, serait intéressant à prendre en compte. C’est très enthousiasmant ! »
*Auteure notamment avec Bruno Bucher de La méditation, une nouvelle thérapie, éditions Belin. Chargée du développement du film documentaire « Les étonnants pouvoirs de la méditation« , de Benoît Laborde, co-écrit avec Bruno Bûcher (Arte, 2017).
**Auteur notamment de Méditer jour après jour, éditions l’Iconoclaste, Et n’oublie pas d’être heureux et Méditez avec nous, éditions Odile Jacob
***Auteur notamment de Reconquérir le moment présent… et votre vie, éditions Les Arènes